Voici le témoignage d’allaitement d’Andréa, en version podcast ou texte.
J’ai découvert Andréa sur les réseaux sociaux et son expérience m’a intriguée, on a donc fait connaissance lors de cette interview.
On parle ensemble des différentes étapes et doutes qu’elle a vécu : les réflexions de l’entourage sur son allaitement, le fait d’allaiter d’un seul sein, les nuits compliquées, les interrogations lors de la diversification alimentaire.
Avant d’être enceinte, Andréa se disait « je ne veux pas allaiter »… vous allez découvrir comment elle est venue à un allaitement « long »
Difficulté avec les réflexions de l’entourage
Alexandra : Bonjour Andréa, je souhaitais faire une vidéo avec toi pour parler de ton expérience dans l’allaitement
Andréa : Bonjour, Je m’appelle Andréa, j’ai 27 ans et j’ai un petit garçon de 20 mois qui est encore allaité et pour le moment je suis encore maman au foyer.
Alexandra : Premier bébé ?
Andréa : Oui premier bébé.
Alexandra : Quelle image de l’allaitement avais-tu avant d’avoir ce bébé ?
Andréa : Franchement, j’avais une image hyper péjorative. Avant même d’être enceinte, je disais que je ne voulais pas avoir l’impression d’être “une vache à lait”, l’allaitement ce n’était pas possible, “je ne veux pas allaiter, ce serait le biberon”.
Et en fait, du moment où je suis tombée enceinte, et dès que j’ai regardé le test de grossesse, je me suis dis “ben non, je l’allaiterai”. Cela a été un déclic, je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête. Dès que j’ai su que j’étais enceinte, quand je l’ai annoncé à ma soeur, ça faisait seulement 3 jours que je le savais. Elle me dit “alors tu compte lui donner le biberon ?”, “non je pense que je vais l’allaiter”. Et mon conjoint, m’a regardé et m’a dit “quoi, mais tu aurais pu m’en parler”. On avait pas eu le temps d’en parler.
Alexandra : Un changement comme ça d’un seul coup. Est-ce que tu avais eu des informations ou des proches qui allaitaient ?
Andréa : Non, autour de moi je suis la première qui ait allaité.
Alexandra : Même pas quelques jours ?
Andréa : Non.
Alexandra : Ok, génération biberon. Est-ce que tu as fait une préparation pendant la grossesse ?
Andréa : j’ai fait la préparation à l’accouchement, mais aucune autour de l’allaitement.
Alexandra : Normalement, il y a au moins un cours sur l’allaitement. Est-ce que tu t’en rappelle ?
Andréa : je me rappelle que si on avait un engorgement, il fallait mettre des feuilles de choux sur le sein. C’est la seule chose dont je me souvienne.
Alexandra : C’est un bon conseil ! Comment s’est passé la première tétée ?
Andréa : Très bien. Je n’ai pas eu de soucis, aucune crevasse, aucun engorgement. J’ai eu une mise au sein parfaite. Ce qui a été le plus dur pour moi, à la maternité, c’est la pesée. En fait, mon fils est né en fin de journée, à 20h20, donc quand les sages femmes passaient, le lendemain pour le peser, elle lui comptaient une journée de plus. Donc au niveau de la prise de poids, elles disaient que ce n’était pas normal, que je n’avais pas la montée de lait. Il est né le vendredi soir, donc le lundi matin il n’avait pas tout à fait 3 jours.
Elles m’ont mis une pression d’enfer : “ce n’est pas normal, il a encore maigri, vite il faut votre montée de lait”. Avec la chute d’hormone, je me disais “ça y est, c’est la fin du monde, mon bébé ne va pas bien”. Du coup, j’ai dû utiliser un tire-lait. Le lendemain je suis rentrée à la maison, tranquille et la montée de lait était faite. Le petit allait très bien.
Alexandra : C’est pas très malin de stresser la maman, parce que le stress joue sur la lactation et la montée de lait peut se faire dans les 7 jours. Le bébé est quand même nourri par le colostrum, il n’est pas sans rien.
Andréa : l’équipe du weekend avait été super, mais au moment du changement d’équipe le lundi, j’avais hâte de rentrer à la maison, je n’en pouvais plus. J’ai accouché dans un hôpital public et j’ai vu au moins une quinzaine de personnes différentes et quinze conseils différents, donc au bout d’un moment ça fait beaucoup. Je n’avais qu’une idée : rentrer à la maison.
Alexandra : Quelles difficultés as-tu rencontrées dans l’allaitement ?
Andréa : ça a été surtout avec l’entourage. Au début, mon fils devait avoir 15 jours, ma grand mère le voit pour la première fois et elle disait “mais il est tout le temps au sein”. J’ai dû lui expliquer l’allaitement à la demande. A force, elle l’a intégré.
Aussi, les questions du genre “mais tu comptes l’allaiter combien de temps ?” “s’il fait pas ses nuits, c’est parce qu’il est tout le temps collé à toi”. Mais, ce ne sont pas des questions qu’on pose aux mamans qui donnent le biberon. Jamais tu poses la question : combien de temps compte tu donner le biberon ?
Alexandra : C’est vrai, je n’avais pas fait le rapprochement. Si parfois, quand les enfants ont 3-4 ans et prennent encore le biberon, là certains vont poser la question.
Andréa : Il avait un mois et on me demandait déjà quand j’arrêtai et maintenant qu’il a 20 mois, c’est “ben il serait temps d’arrêter quand même”, ma réponse : “bon ben c’est bon, fichez moi la paix”, mais ils me laissent un peu plus tranquille.
Alexandra : ils prennent l’habitude si c’est l’entourage.
Andréa. Déjà qu’on doute de nous, être parent ça change tout, on a toujours peur de mal faire, de ne pas assez faire. Du coup quand il y a des parents à coté qui nous disent là ça va pas, au bout d’un moment tu te dis “bon je n’écoute que moi”.
Alexandra : au bout d’un moment il faut se mettre dans sa bulle.
Andréa : quand les gens disent “mais c’est parce qu’ Andréa elle allaite”, mon conjoint répond “s’il y avait un manuel pour éduquer les enfants et bien tout leur donner, il existerait. On fait tous de notre mieux, donc laissez-nous faire. “
Alexandra : On ne remet pas en cause nos autres choix, par contre dès qu’on devient parents, les gens se permettent de remettre en cause tout ce qu’on fait, surtout au premier bébé.
Andréa : Au premier, c’est vrai. J’ai eu des réflexions “oui mais moi j’en ai eu plusieurs, je sais mieux m’en occuper” Oui mais quantité ne rime pas avec qualité.
Alexandra : Oui, il y a des personnes qui ont plusieurs enfants, mais qui les laissent tous pleurer. On n’a pas tous la même approche de la parentalité.
Andréa : Le mien quand il pleurait, on me disait de le laisser pleurer. Pour moi ce n’est pas possible. Je ne vais pas le laisser hurler, il n’a que 2 mois, je ne vais pas lui demander de se rassurer. Nous en étant adulte, on n’arrive pas à se rassurer, alors un petit comme ça, ce n’est pas possible.
Une des difficultés que j’ai eu aussi, c’est quand il a eu à peu près 7 mois. Il ne voulait téter que sur un sein. Il ne voulait que le gauche. Pourtant j’avais du lait. Il n’en voulait pas, dès que je le forçais; c’était des hurlements. Je l’ai laissé sur le gauche, il a produit ce qu’il fallait. A part ça, il n’avait aucun souci particulier, on a été voir l’ostéopathe.
Alexandra : La seule chose qui pourrait y avoir (s’il n’y a pas de problème de blocage avec la position), si c’est pas cela, c’est le débit qui n’est pas le même ou un réflexe d’éjection fort sur un des seins et bébé préfère celui qui a le débit qui lui convient.
Andréa : c’est juste que moi ça me perturbait, je me disais que c’était pas normal, il ne va pas assez manger. En fait, pas du tout, il en a assez, ça se passe très bien. Une fois que j’ai commencé à accepter et à me dire “c’est bon lâche l’affaire, il ne veut que celui-là ». Mais cela m’a fait beaucoup douter, je me suis dit “ca y est va falloir qu’on arrête”. Quand j’en parle aux mamans qui allaitent, on me dit “non c’est pas normal, ton enfant il n’aura pas assez à manger”
Sur les forums d’allaitement aussi, il y a des mamans qui me faisaient culpabiliser parce que je donnais la tétine à mon fils. Donc on a des personnes qui ne connaissent pas qui te font culpabiliser, les mamans qui sont pro-allaitement qui te font culpabiliser aussi parce que tu essaies de faire de ton mieux. Des fois ça c’était difficile pour moi.
Alexandra : J’ai donné la tétine à ma première fille et c’est vrai que quand j’ai posé des questions d’allaitement, on me disait “on peut t’aider à enlever la tétine…” En fait, à ce moment-là je ne voulais pas l’enlever, ça me convenait de pouvoir endormir ma fille comme ça, ça me rassurait que le papa puisse l’endormir avec la tétine. J’avais mon confort à ce moment-là et j’avais très mal au dos, donc je ne me voyais pas la porter toute la journée au sein ou la bercer.
Par contre, j’ai gardé cela comme une erreur, même s’il n’y a pas de gros regrets, parce que je me demande si l’allaitement ne s’est pas arrêté à cause de cette tétine. Mais pour moi, à partir du moment où on donne la tétine en connaissant les conséquences, la maman fait ce qu’elle veut. Là dessus je ne vais pas être trop sectaire comme certains groupes/forums/association d’allaitement. Je ne veux pas rentrer dans ce jeu là, parce que moi aussi je l’ai donné. Je n’avais peut être pas toutes les informations à ce moment-là, certes, donc pour ma 2ème, je ne l’ai pas donné. J’ai essayé 2-3 soirs, mais vraiment des jours où j’étais à bout et je n’en pouvais plus, je voulais juste manger tranquille. Je pense qu’il y a certains cas où cela peut aider la maman.
Il ne faut pas diaboliser le truc, mais il faut savoir que ça peut déformer le palais, entrainer une mauvaise succion, entraîner une confusion avec le sein. A partir du moment où on sait tout ça et qu’on est vigilante à sa lactation et qu’on fait sauter le moins de tétée possible. Il y a des personnes qui s’en servent aussi juste quand bébé est chez la nounou.
Ma fille aînée avait la tétine la nuit, donc elle faisait ses nuits, ça c’était top.
Les nuits et l’allaitement
La diversification alimentaire tout en allaitant
Alexandra : Tu envisages de rester avec ton enfant ou une reprise du travail ?
Andréa : Pour l’instant, jusqu’à ce qu’il rentre à l’école, je compte rester avec lui. J’ai envie de profiter et après, je verrai.
Vu que je suis à la maison, c’était plus simple pour la diversification. Avec l’allaitement, je ne savais pas qu’il fallait commencer plus tard, donc j’ai commencé à 4 mois.
Alexandra : ce n’est pas avec l’allaitement, c’est pour tous les bébés, c’est à partir de 6 mois.
Andréa : Je ne savais pas, je l’ai su 1 ou 2 mois après. Il a été diversifié à 4 mois, il ne mangeait pas beaucoup. Il tétait beaucoup. Je me disais “tant qu’il tète ça me va, s’il ne mange pas son repas c’est pas grave, tant qu’il tète il est nourri ». Après la diversification ça a été en fonction de lui. Le plus dur c’est de lâcher prise, pour l’allaitement et la diversification, les quantités. Lui sait mieux que nous. Les gens me demandaient : “Mais comment tu sais s’il a assez mangé “, “ moi je ne sais pas, mais lui il sait”.
Alexandra : Exactement. On est conditionné aussi par le marketing. Pour ma première fille, j’achetais régulièrement des plats tout prêts, parce que je n’avais pas forcément le temps de faire à manger le soir. Je préférais passer du temps avec elle. Les petits plats tout prêts, c’est 200g. Quand elle ne mangeait pas tout, je me disais qu’elle n’avait pas assez mangé. Quand je vois aujourd’hui, le peu que mange ma deuxième fille, en fait elle mangeait très bien ma première !
Andréa : quand il avait les petits pots et qu’il ne mangeait que 50 ou 70g sur les 200g, je me disais “c’est pas possible, il va jamais grossir”.
C’est vrai que ça remet plein de choses en cause (la parentalité), tu repenses à tout, à comment le modifier. Est- ce que ça me convient ? Et puis il y a plein de réajustement.
Tu vis d’une façon avant et puis quand tu as un enfant, tu ne vie plus du tout pareil. Depuis que j’ai mon fils, l’ennui je ne connais plus. On court tellement partout, il évolue tellement vite. C’est incroyable.
Conseils aux autres mamans allaitantes
Alexandra : Je vais pouvoir en venir à ma question de la fin : Qu’est ce que tu voudrais dire aux mamans qui voudrait allaiter ?
Andréa : de se faire confiance. Malgré les remarques, il faut vraiment se faire confiance, ne pas écouter les autres. Na pas se dire, parce que je l’allaite, je fais quelque chose de mal. Au final, des fois je me disais “je loupe quelque chose, c’est pas possible”. Cela peut être que bénéfique, il faut se faire confiance et ce préparer psychologiquement avant l’arrivée de l’enfant, pour pouvoir tenir bon. Avant la naissance, je me disais “ mon corps est fait pour ça, oui je vais avoir des remarques, mais ça va bien se passer, les gens ne vont pas comprendre, ça va être à moi de leur expliquer”. Après la naissance, on est tellement fatiguée, il y a les hormones, il y a tout ça, qu’on doute encore plus de nous.
Alexandra : c’est intéressant ce que tu dis, je n’avais pas du tout conscience de ça, que le personnel médical et l’entourage pourrait me saboter le moral ou mon allaitement. Du coup j’ai suivi de mauvais conseils, parce que j’ai fais confiance à d’autres personnes. Soit parce qu’elles avaient des enfants et je me suis dit qu’elles savaient mieux que moi, soit la sage femme, je pensais qu’elle savait mieux. Alors que toi, tu t’étais préparée aux remarques en amont. Je n’y aurais pas pensé.
Andréa : Cela m’a quand même fait douter et tout. Pour la préparation, j’ai eu un super sage femme, qui disait “écoutez-vous”, c’est vous qui allez vous occuper du petit.
Alexandra : C’était un bon conseil
Andréa : A la maternité quand mon fils est né, il avait les lèvres bleues, je répétais “il a froid”. J’avais l’impression qu’on ne voulait pas m’écouter car je venais juste d’être mère. Et du moment où elles l’ont habillé, en effet il n’avait plus les lèvres bleues. Elles me disaient qu’il n’avait pas froid. Mais c’est comme le sortir d’un bain et le mettre dans les courants d’air.
Alexandra : il n’était pas encore sur toi ?
Andréa : si si, mais je voyais ses lèvres bleues et il ronchonnait, il n’avait pas l’air à l’aise. Une fois qu’il avait le pyjama ça allait un peu mieux, il était un peu réchauffé. En même temps, il passe d’un environnement à 37°C à la salle d’accouchement où il ne fait pas très chaud.
Alexandra : J’en ai fini avec mes questions, merci Andréa pour ce beau témoignage.
J’espère que ce témoignage vous aura inspirée et vous aura montré qu’avec une bonne préparation, du soutien et une grande confiance en soi, on peut allaiter de longs mois.
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